Intervention de Madame Jacqueline MAYENCE
,

Ancien Secrétaire d’Etat à la
Coopération Belge au Développement, Administrateur de l’Institut de Médecine Tropicale.

 

Dans le monde de la coopération au développement, deux mots paraissaient inconciliables, antinomiques : « Entreprises et O.N.G. ». Ces mondes ne se fréquentaient pas, s’ignoraient,
L’un était pur, idéaliste : l’autre mercantile au service du seul profit. Cette conception manichéenne est certainement caricaturale..
Dès ma responsabilité, en charge de la coopération au développement, j’étais intimement convaincue, comme je le suis encore aujourd’hui, de leur complémentarité, de la nécessité de leur coexistence, comme d’ailleurs avec une politique bilatérale d ’ Etat à Etat, et des Institutions internationales.
Comme le disait, il y a quelques jours, Mr.Wolfensohn, président de la Banque mondiale :
« Commerce et développement vont de pair. Je suis pour un développement intégré, sans mettre l’accent sur un élément au détriment d’un autre . »
Je rappellerai en quelques mots les spécificités et les originalités des divers moyens d’action.
Auparavant, je voudrais définir quelques priorités qui me tiennent à cœur :

1) La coopération au développement doit faire des peuples assistés aujourd’hui nos réels partenaires de demain, dans le respect des cultures différentes et dans le respect des droits de l ’ Homme. et des libertés qui leur permettent d’assumer des responsabilités .
2) Affaires Etrangères, Coopération au développement et Commerce extérieur doivent s’exprimer de façon concertée, être l’expression d’une même volonté et de mêmes choix politiques. La coopération au développement est un élément visible et essentiel de notre politique étrangère. Par notre présence dans le Monde, quel qu’en soit le motif ou les moyens d’action, nous sommes tous dans une vitrine de notre pays et même de l’Europe, tous des ambassadeurs de notre crédibilité, de notre savoir-faire et de notre technologie.
Nous disposons d’ailleurs de tous les atouts et des instruments pour réaliser cette politique
de qualité, quels que soient les acteurs pour la réaliser. La Belgique a acquis dans le
Monde une importance hors mesure avec ses dimensions géographiques.
3) Sans m’écarter d’aucune façon des principes de générosité et de loyauté économique
légales , je suis partisan de l’aide liée ; la coopération au développement doit se soucier du
développement économique de son propre pays ou de son continent quand il s’ agit de
l’Europe, et de ses propres industries, et mieux contribuer à l’avenir commun et aider au
redressement des grands équilibres économiques.
Je reviens aux spécificités des différents moyens d’action :

1) L’aide multilatérale : La Belgique participe financièrement aux organisations multinationales, dont l ' ONU et l ' Union Européenne, qui réalisent des projets de développement. Nous pouvons rechercher des formules de cofinancement qui garantissent une participation en personnelle et en équipements, en concertation avec le secteur privé. Je considère qu’il est impératif de rechercher, dynamiser, et approfondir une meilleure concertation entre toutes les composantes.
2) L’aide bilatérale : Les contacts de pays à pays permettent de mieux connaître et de mieux définir ensemble les besoins. .
Le développement est avant tout le fruit du dialogue. Le Tiers monde doit se mobiliser, choisir avec sagesse ses besoins et ses priorités et s’atteler à leurs réalisations.. C’est alors
Et alors seulement que, sans paternalisme, sans ingérence intempestive et sans esprit néocolonialisme nous pourrons intervenir avec nos moyens humains, techniques et financiers. Cela nous impose des moyens exigeants. Les relations dont le financement nous incombe porteront sur des projets à dimensions convenablement maîtrisables et non plus sur des projets mammouths dispendieux et souvent sans lendemain.

Permettez moi une petite critique à l’égard des entreprises qui ont parfois suscité des besoins dans le tiers monde pour des projets inutiles et qui ne pouvaient connaître des lendemains. Une condition « sine qua non » indispensable est la fin des guerres, le respect des droits de l ’ Homme et une perspective de démocratie.

3) J’en viens à l’aide par les organisations non gouvernementales et l’aide universitaire :
Les O.N.G. sont une aide à visage humain, proche de la population, souple, avec moins de contraintes administratives, et qui bénéficient de toute mon estime et de mon admiration.
Depuis 1990, en Afrique Centrale(nos principaux partenaires), l’aide humanitaire, par l’intermédiaire des ONG, est restée présente et très active, malgré les ruptures et les guerres inter ethniques. Elles sont donc indispensables et leur rôle souvent héroïque est à saluer. Grâce à elles, la population a été secourue, hélas imparfaitement par manque de moyens et de sécurité. Elles ont été les témoins des désastres humains causés par la
malnutrition, la recrudescence des maladies endémiques et autres fléaux comme le sida.
Leur rôle est important aussi, face aux entreprises, comme un stimulant éthique pour un
« commerce équitable ». La Fondation « Roi Baudouin » a décerné récemment son prix et mis en lumière le rôle d’une O.N.G. « le Fairtrade labeling » pour montrer aux entreprises leur responsabilité dans les conditions de travail et la juste rémunération du travail dans le tiers monde.
Autre exemple ……

Je ne vous ferai pas l’injure de vous décrire le rôle du secteur privé dans l’économie du développement. Nous sommes tous convaincus de la réussite de son intervention, de sa présence et de son rôle d’éducation. D’ailleurs, actuellement, certaines grandes entreprises développent elles-mêmes des O.N.G. pour un soutien souple dans le développement de P.M.E.. J’espère vous avoir convaincu en compagnie des auteurs cités, de la nécessité d’un développement complémentaire et intégré.
Permettez-moi encore d’adresser une demande pressante aux entreprises privées et aux organismes financiers : ce qui précède sont des principes. Ma supplique est la réalité vécue quotidiennement sur le terrain ;

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