Le GIACM français et le partenariat ONG/Entreprises

Jacques - Louis COLOMBANI
Docteur en Droit, juriste contrats internationaux.
Chef de Bataillon de réserve, spécialiste de l’article 9

Monsieur le Président, Mesdames Messieurs,

C’est un grand honneur que d’intervenir aujourd’hui devant vous dans les locaux du Palais d’Egmont, et sous la direction de notre président M. CHELIKANI dont je partage les options humanistes et de Monsieur Christian DOAT qui est en fait notre hôte.
Je vous propose dans le temps qui m’est accordé de me présenter, puis de présenter le GIACM et enfin d’illustrer par l’image et l’exemple, la manière dont cette unité de l’armée française peut avoir à connaître des partenariats entre entreprises et ONG.

Permettez-moi de vous présenter mon parcours en deux images.
Je suis arrivé à l’action humanitaire et la promotion de partenariats Entreprises/ONG par ce que je croyais être le plus grand des Hasards.
- Il y a quelques années, j’ai eu la chance de pouvoir rejoindre des amis (Henri BONNEFONT, Gilbert BROUTIN, Jacques DUQUESNE, Louis HYOP et son épouse, Bob YAKAS…) au sein d’une association naissante (AXIOME), essentiellement active sur un département de la région parisienne, dont l’objet est la réinsertion de jeunes des banlieues défavorisées par l’aide aux pays en développement ou souffrant de troubles civils dans le cadre de micros projets (construction d’écoles, de puits…). L’association, avec des moyens microscopiques, a envoyé des jeunes dans le monde entier (Bosnie, Brésil, Bénin…), certains pourraient partir en Inde.
C’est Henri BONNEFONT qui m’a offert sur ses deniers de partir au BURKINA FASSO voici deux ans pour préparer les bases d’un partenariat avec des entreprises et des ONG locales.
Je suis en charge aujourd’hui de la construction d’une école au Burkina Fasso, dans le cadre d’une collaboration avec l’Association des Ressortissants de LANKOUE qui a accepté d’encadrer nos jeunes.
Des entreprises Burkinabées seront mises à contribution pour construire la tranche du chantier à laquelle nous participons.
Le projet sur place est sécurisé par Serge OUEDRAOGO, officier de ce pays et qui est un vieil ami d’enfance.
- J’ai ensuite rencontré Monsieur François de Tinguy du Pouet, il m’a présenté aux membres de l’AIPEO. Monsieur de Tinguy m’a démontré depuis que le hasard n’existait pas !
Il a inscrit notre rencontre sous le signe providentiel du dévouement au service des autres et je l’en remercie.
Ces membres, présents aujourd’hui m’ont immédiatement persuadé de la pertinence de l’action.
- J’ai enfin rencontré l’Action Civilo-Militaire par l’intermédiaire de l’information publique disponible en France, et, encouragé par des amis soldats, j’ai proposé de mettre mes compétences civiles au service de la force. J’ai rencontré des soldats au service des autres, des hommes engagés dont certains étaient mes cadres pendant mon temps de service national!
J’ai donc reçu l’autorisation de vous exposer un point de vue « d’expert juriste » sur l’action civilo-militaire à la française.
- Je suis actuellement officier de réserve sous contrat « spécialiste de l’article 9 » recruté par le GIACM en fonction d’une formation correspondant à un emploi précis.
Une formation universitaire, une expérience professionnelle:
- Docteur en Droit
- Diplômé du Centre d’Etudes Internationales de la Propriété Industrielle
- DESS Entreprises et Droit de l’Union Européenne
En tant que juriste, je suis attaché à la notion d’ordre public économique.
J’ai été employé pendant sept ans comme juriste contrat dans une société française de conseils en brevets et pendant deux ans dans un groupe de luxe basé à Genève.
Un emploi de juriste international au GIACM (arrêté de la ministre de la défense en date du 29 octobre 2002). La durée de mes activités, fixée à trente jours par année civile, peut être prolongée d'une durée maximale de quatre-vingt-dix jours.

Avant de vous détailler cette vision personnelle de l’action civilo-militaire dans un contexte de partenariat entreprise/ONG permettez moi de vous soumettre une réflexion qui sous-tend mon engagement “Tout avantage gagné au mépris de la dignité humaine est tôt ou tard une bataille perdue”.

L’action civilo-militaire Française peut être comprise au travers du Rapport Gaïa sur les ACM du 20 juin 2001 devant la Commission de la défense de l’Assemblée Nationale .
Si la France intervient sur des théâtres extérieurs, c’est évidemment avant tout au nom de valeurs démocratiques et humanistes, pour contribuer à faire cesser des combats et à ramener la paix civile.
Toutefois, Monsieur Gaïa a exposé qu'il n'y avait rien de choquant à vouloir, une fois la paix revenue, participer à la compétition économique dans des pays où sont intervenus et sont parfois morts nos soldats. L'intervention économique étant aussi un élément fondamental de la sortie de crise, inciter des entreprises à s'installer sur un marché contribue à la création des conditions permettant aux populations locales de se procurer les biens et les services nécessaires à une vie normale.
Le concept de l’action civile - militaire est en construction en France.
Le GIACM sera déclaré unité opérationnelle, ces jours prochains.

Voici quelques dates qui situent le GIACM dans son contexte:

1996 : création bureau ACM / COIA
1998 : création 3 bureaux ACM :
CFAT - CDES – EMIA
1999 : -1° mémento terre ACM
-1ère unité ACM en opérations
2000 : création 4 BUREAUX ACM / EMF
2001 : création du GIACM
2002 : concept INTERARMEES ACM
2003 : nouveau concept en cours
2004 : validation fin 1er trimestre.

Le GIACM comprend deux détachements d’active : un détachement d’état major et un détachement opérationnel n°1 lequel comprend une section commandement, une section état major et deux sections ACM 1 et 2. Les personnels de ces deux dernières sections sont des militaires engagés que l’on peut envoyer sur n’importe quel théâtre en 48 heures.
Le GIACM est également fort d’un détachement opérationnel n° 2 lequel est un vivier de personnels réservistes et spécialistes et qui compte 164 métiers.
Le GIACM, n’est pas une ONG, ni une façon de se constituer un carnet d’adresses à bon compte, ni un réseau de détectives privés.
Le GIACM est une fonction opérationnelle, une interface utile composée de soldats au service des autres.

Le GIACM évolue dans un cadre international allié au sein duquel coexistent d’autres conceptions de l’action civilo-militaire.
Les Etats-Unis, par exemple ont une définition claire de l’action des « Civil Affairs ».
Leur positionnement se fait de façon classique entre la guerre et la paix.
Les juristes ont constitué un corps à part entière celui des Juges Advocate General .
En France, « L’Action Civilo-Militaire désigne la fonction opérationnelle mise en œuvre par les forces armées pour :
- optimiser leur interaction avec l’environnement civil
- faciliter la réalisation des objectifs politiques et militaires poursuivis en vue de participer à l’atteinte de l’état final recherché »


Par l’image et l’exemple, je tenterai de répondre aux questions « Pourquoi l’ACM ? » et « Comment s’opèrent les partenariats Entreprises/ONG qui utilisent l’interface utile GIACM ? »


Les facteurs de l’engagement des ACM sont au nombre de trois :

1.- Premier facteur : les populations : L’action du GIACM est conçue pour favoriser les conditions d’engagement de la force. Celle – ci doit intervenir dans un contexte où il est très difficile de savoir « qui est qui ».
Tout d’abord, sur un plan juridique, les pays sont parfois divisés en zones placées sous différents contrôles. Ensuite il est difficile d’identifier les entreprises et les organisations présentes sur le terrain ce quI peut rendre l’action parfois délicate. Enfin, les soldats travaillent au milieu des réfugiés poussés d’un pays à l’autre dans des conditions très pénibles.

2.- Deuxième facteur : les conditions d’engagement de la force, l’armée intervient dans un contexte humanitaire particulier et au contact des populations civiles :


Depuis le début des années 90, les zones de combats se sont souvent déplacées vers des terrains de pénétration difficile comme les centres urbains. Le militaire se retrouve confronté aux populations qui habitent ces zones. Il lui faut donc agir avec efficacité dans un nouveau contexte.

3 – Troisième facteur : La diversité des acteurs intervenant sur les théâtres.
Il faut citer les intervenants représentant des Etats, les organisations intergouvernementales qui sont des acteurs classiques.
Il faut citer surtout le monde très complexe des ONG présentes qui ont une mission spécifiques que nous devons connaître.
Nos soldats arpentent donc le terrain et agissent dans des domaines variés comme la santé, ou de l’expertise en général.


Les ACM assument trois missions principales:
La première au profit des forces, la deuxième au profit de l’environnement civil et la troisième dans le cadre de l’action humanitaire d’urgence.
S’agissant de la première, j’indiquerai que l’objectif est de créer un environnement favorable à l’accomplissement de la mission de la force engagée.
En ce qui concerne la troisième, l’objectif est d’apporter une aide directe ou indirecte aux populations civiles victimes de conflits ou de catastrophes naturelles ou technologiques.
Pour rester dans le sujet que l’on m’a donné aujourd’hui, je concentrerai mon exposé sur la deuxième mission au profit de l’environnement civil. Dans ce cadre, il peut se faire que l’action d’interface utile du GIACM rencontre la problématique du partenariat entre les entreprises et les ONG.
L’intervention du GIACM est conçue afin de rétablir les fonctions vitales d’un pays. Partant de l’expertise de l’environnement civil, la mission doit contribuer au rétablissement de l’état de droit et des services publics et enfin aboutir au rétablissement de la vie économique. Lorsque ces objectifs sont atteints, le relais est passé dès que possible aux organismes civils compétents.

Deux exemples d’utilisation du GIACM comme interface utile dans le cadre de partenarias entre entreprises et ONG :

Le premier exemple concerne l’action civilo – militaire menée à Mitrovica conjointement avec les services de santé des armées.


Notre cellule santé comportait deux médecins, cinq personnels de santé et un militaire de rang. La cellule santé avait deux objectifs : effectuer une expertise destinée à dégager des micro-projets en matière de santé et donner du conseil en hospitalisation.

Les actions entreprises ont été les suivantes :
1 - Evaluation de la situation sanitaire et des besoins
- Une évaluation de la santé des populations qui a permis également de prévoir les problèmes de santé qui peuvent apparaître chez les militaires en raison de leur environnement civil.
- Audit des structures de santé dans la région de Mitrovica.
- Audit de la ville de Mitrovica par cellule « Santé ».
- Mise en place d’une surveillance épidémiologique à la demande de l ’OMS,
- Evaluation des besoins (en liaison avec cellule INFRA ACM), recherche de bailleurs potentiels. L’ACM a joué son rôle d’interface entre les intervenants.
- La cellule s’est ensuite focalisée sur l’expertise de l’hôpital de Mitrovica dans les domaines suivants :
Hygiène hospitalière.
Bonnes pratiques.
Organisation fonctionnelle des services.
Utilisation rationnelle des moyens.
Rationalisation des diagnostics et indications.
Liaison entre l’unité chargée de la sécurité de l’hôpital et le personnel médical local, l’administrateur de l ’UNMIK.

Conformément à la mission, 9 micro – projets ont été dégagés :

2 - Propositions et micro-projets « santé » en faveur des populations
Diagnostic et prise en charge des tuberculeux,
Diagnostic et prise en charge des anémies,
Diagnostic et prise en charge des hépatites,
Centre de prêt de béquilles et fauteuils,
Analyse des eaux de boissons,
Surveillance du VIH SIDA,
Prise en charge des troubles psychiatriques liés aux événements,
Campagne sur les puits et forages,
Laboratoires de la région de Mitrovica
Certains de ces projets ont été repris par des ONG ou Organisations Internationales.

Le second exemple concerne la mission en cours dite « Mandat Agricole » à laquelle je suis associé.


Sur la base des expériences passées, le GIACM a conçu le projet du mandat agricole, validation d’un concept de développement économique à partir de l’expérimentation de la filière laitière au Kosovo. Il s’agit d’importer des chèvres, d’apprendre aux gens à faire du fromage, de former des formateurs et de transmettre le projet à des PME, PMI intéressées.
Le contact pour cette mission est le Lieutenant Colonel FEQUANT .
L’expert du GIACM au KOSOVO par les contacts permanents maintenus avec les autorités du KOSOVO a permis au GIACM d’organiser une visite à Pristina et Mitrovica en mai dernier pour une délégation des chefs d’entreprises de la Région Rhône - Alpes.
La mission a pour objet la validation du concept de développement économique à partir de l’expérimentation développement de la filière laitière au KOSOVO.
Les objectifs sont :
1°) Identifier et qualifier
les parties prenantes locales concernées, agriculteurs, ministères.
2°) Faciliter
La mise en relation d’entreprises, en particulier de Rhône-Alpes en vue de déboucher sur des partenariats et de la formation
3°) Mettre en place un circuit court d’action
Grâce à la présence d’un expert agricole sur place, les autorités concernées (MEDEF, CGPME, REGION) pourront:
- Promouvoir un projet identifié
- Accompagner les entreprises de la Région
- Initialiser un parrainage de formation et d’échanges en particulier avec les écoles nationales de laiterie.
4°) Etudier les sources de financement possibles pour les acteurs civils intéressés.
On peut citer :
Le mécénat, qui est de plus en plus rare.
Les investissements d’entreprises désireuses de développer la filière agricole dans ce pays.
Les avances de fonds:
- Banques.
- Régions.
- Cooperatives.
Dans ce cadre, un déplacement d’entrepreneurs français à eu lieu au mois de mai 2003.
La préparation du programme a été gérée conjointement par le LCL DESANLIS (en mission d'une durée de 15 jours pour assurer le suivi du projet au Kosovo) et par le LTN de BRUNIER actuellement chargé d'agriculture aux ACM de la brigade. L'accueil à MITROVICA au quartier général de la Brigade Nord Est a été géré par le cabinet du Général (Repas lundi midi, repas lundi soir et hébergement). Le REPFRANCE était chargé de l'accueil et du montage du programme.
La mission a été conduite par le président, M. TURCAS par ailleurs conseiller régional et président de la commission relations internationales. Il était accompagné de M. CADARIO, directeur de ITEE, société d'engineering spécialisée entre autre dans la conduite de projet laitier. Le but de la mission était d'identifier des projets potentiels dans le domaine laitier et de voir quelles pouvaient être les relations futures entres des PME françaises et des PME kosovares.
La mission continue, elle est passionnante et je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous en parler.


Roa CHELIKANI.- A l’UNESCO, nous avons réfléchi au moyen de donner un rôle plus positif à l’armée et, dans un certain pays, de donner à l’armée une formation aux droits de l’homme.

Philipp MULLER WIRTH .- Le GIACM obtient –il des aides de certains mécènes ?

Jacques - Louis COLOMBANI.- Notre mission est d’ordre militaire et croise des organisations internationales, gouvernementales, des forces sous commandement allié. Les entreprises et les ONG qui reprennent nos projets s’occupent de leur financement. Le GIACM ne se préoccupe pas du financement de sa mission qui est assuré par l’Armée.

Bernard KLEIN.- Les catégories commencent à se modifier, ONG, entreprises, armée…

Thomas MOMBO ELANGA .- Le GIACM dépend-il d’un État ou est-il autonome ? En cas de nécessité, pouvez – vous intervenir de votre propre initiative ?

Jacques - Louis COLOMBANI.- Le GIACM fait partie de l’armée française. Je ne dispose donc qu’aucune marge d’initiative.

 

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