Yves MAIGNE
  Directeur de la Fondation
  Énergie pour le Monde
En 1990, un ensemble de partenaires français publics et privés ont pensé utile de créer une fondation,dotée de la reconnaissance de l’utilité publique permettant d’agir dans le domaine des énergies renouvelables en pays en développement.
Ainsi, EDF, FRAMATOME, TOTAL, Le Crédit Agricole et la Caisse de Dépôts 
  et Consignations, tous acteurs majeurs de l’énergie et du secteur 
  bancaire se sont associés à cinq ministères (environnement, 
  affaires étrangères, coopération, industrie, intérieur).
  C’est le premier lieu de rencontre entre ONGs et entreprises, ces dernières 
  en ont permis, dans le cas de la fondation Énergies pour le Monde, la 
  naissance.
L’objectif de la Fondation est de réduire la pauvreté par 
  l’outil énergie dans le respect de trois composantes du développement 
  durable : social, économique et environnemental.
  En 1990, personne ne parlait de développement durable. Il y avait dans 
  la création de cette Fondation quelque chose de l’anticipation.
  Les moyens sont limités parce que nous ne savons pas tout faire. Mais 
  nous savons –pas trop mal- améliorer l’accès à 
  l’énergie dans les zones rurales dans les pays du Sud avec deux 
  outils :
  - des actions de terrain c’est-à-dire l’électrification 
  rurale décentralisée à partir de gisements énergétiques 
  locaux, par l’utilisation au mieux des ressources énergétiques 
  locales ;
  - des actions de sensibilisation et de formation, diffusion d’informations 
  qui ne sont pas disponibles au Sud. Internet est une bonne solution mais, dans 
  les pays du sud, le diamètre des tuyaux pour transférer l’information 
  est très limité de sorte que la plupart des sites Internet ne 
  sont pas visitables dans le Sud. Il faut donc renforcer la capacité de 
  nos interlocuteurs du sud par des ouvrages, des ateliers et d’autres types 
  d’actions.
Au delà de cette première composante, la plus simple, consistant 
  en la définition et l’installation de systèmes d’énergie, 
  il convient de mettre en place un service de l’électricité 
  durable et d’intérêt général. 
  Aujourd’hui, aucun opérateur n’est en mesure d’assumer 
  ce service d’intérêt général, ni les acteurs 
  publics, ni les privés qui ne voient l’intérêt de 
  s’engager dans de telles opérations d’électrification 
  rurale qui ne sont pas rentables, au même titre que l’électrification 
  rurale ne l’est dans les pays du nord.
  En effet, dans les pays industrialisés, ce sont les mécanismes 
  de péréquation qui permettent d’électrifier toute 
  la population y compris celle qui est la plus éloignée. Ce mécanisme 
  ne peut fonctionner dans les pays du Sud compte tenu de la répartition 
  inverse de la population entre zone rurale et zone urbaine. De plus le secteur 
  industriel n’existe pas ou peu.
Plusieurs mécanismes novateurs peuvent être testés et c’est bien le rôle des ONGs d’innover, au côtés des entreprises. Leur rôle est très important et les secteurs d’innovation sont multiples, d’ordres organisationnel, financier, technique.
C’est là que se tient le second lieu de rencontre entre la Fondation 
  et les entreprises. Ce sont avec elles que nous sommes en mesure de réaliser 
  des opérations sur le terrain, avec EDF par exemple, pour définir 
  les modèles innovants de projets pilotes. 
  Toutefois, il faut être prudent et éviter d’expérimenter 
  des équipements sur le terrain au possible détriment des bénéficiaires. 
  Il faut qu’ils aient démontré leur viabilité, leur 
  pertinence avant d’être installés sur le terrain et c’est 
  la quadrature du cercle ! 
  Mais, mettre en place des modalités innovantes avec l’appui des 
  autorités nationales, régionales et locales, cela est nécessaire. 
  De plus, les mécanismes de décentralisation en cours dans les 
  pays du Sud nous y aident.
Par ailleurs, la Caisse des Dépôts et Consignations nous aide à définir des mécanismes de crédit adaptés aux produits énergétiques, comme des petits systèmes solaires à usage domestique. Il y a, alors, partage de compétences : la CDC mettant à notre disposition des financiers qui apprennent sur le terrain, comme nous, comment utiliser les outils qui existent en France.
Enfin, TOTAL contribue aux opérations selon ses critères d’intérêt, l’eau, la santé, par exemple.
Nous avons, au sein des entreprises, différents partenaires, le mécénat et les départements opérationnels, chacun avec ses propres modalités : parrainages, coopération technique et de ressources humaines….
Les actions menées sont nombreuses. Aujourd’hui, la Fondation 
  a permis à environ 500.000 personnes d’avoir accès à 
  l’électrification dans 27 pays, au moyen d’une quarantaine 
  de projets. 
  A titre d’exemple, au Sénégal, en Haïti, à Madagascar, 
  au Vietnam, on voit que le volet social est important, santé, éducation, 
  crédit énergie à Madagascar et au Burkina, modalité 
  particulière permettant à des familles de s’équiper 
  de petits systèmes d’énergie. Ce peut être aussi l’eau 
  potable, avec ses effets bénéfiques sur la santé, à 
  Madagascar.
Une fois le modèle opérationnel défini, accepté par les décideurs locaux et testé, il est alors nécessaire de faire évoluer le cadre législatif, réglementaire, juridique, sujet souvent difficile, pour une banalisation de l’opération pilote.
Enfin, un troisième lieu de rencontre FONDEM-Eentreprises peut être 
  organisé.
  Une ONG comme la notre peut préparer le terrain, peut mettre en place 
  les conditions permettant, à terme, à une entreprise de se positionner 
  comme un investisseur, un opérateur de quelques centaines de quelques 
  milliers de systèmes d’énergie décentralisés. 
  
  Dans ce cadre là, nous avons défini ce qu’on a appelé 
  NORIA, un travail, une méthodologie permettant de connaître, dans 
  un pays, une région, un district donné, les capacités, 
  les disponibilités d’une électrification rurale décentralisée 
  par une connaissance aussi précise que possible des conditions sociales, 
  économiques, énergétiques, la connaissance des risques. 
  C’est en effet le manque de connaissance et d’appréciation 
  de ces informations, qui ne permet pas aux entreprises de s’engager et 
  de définir pour le compte du maître d’ouvrage, des bailleurs 
  de fonds une programmation suivant les critères de faisabilité 
  et d‘équilibre financier.
  C’est pourtant l’engagement du secteur privé, encadré 
  par les structures institutionnelles, qui permettra, à terme, un changement 
  d’échelle dans les infrastructures énergétiques rurales 
  des pays du Sud. 
  Ces partenaires privés seront du nord, sûrement, mais associés 
  de façon durable, à des entreprises du Sud. 
  Aucun programme d’électrification rurale décentralisé 
  ne pourra pas voir le jour sans une implication forte des entreprises du Sud. 
  En effet, si l’on veut la pérennité desi nfrastructurs et 
  du service, il vaut du service lors de la conception, du service pendant l’installation, 
  du service pendant l’exploitation. 
  Aujourd’hui, nous n’avons pas trouvé d’autres modalités 
  que des mécanismes contractuels entre maître de l’ouvrage 
  et prestataires de service privés. Une implication des entreprises privées 
  locales nous semble alors absolument indispensable.
  L’ONG peut, là, servir de passeur, entre société 
  du nord et société du sud.
A cette expérience de partenariat entre la Fondation et l’entreprise, 
  il y a quelques limites. Les logiques des ONGs et celles des entreprises sont 
  différentes et c’est normal. Plus on vit ensemble, plus, si l’on 
  n’y prend garde, elles ont tendance à diverger et on ne se comprend 
  plus.
  Il ne faut pas oublier que les opérations sont dirigées vers nos 
  interlocuteurs du Sud, apportant un degré de complexité supplémentaire. 
  En effet, leur compréhension et leur positionnement vis à vis 
  des entreprises et des ONGs sont différents des nôtres.
  Par exemple, pour beaucoup de pays, ONG (non gouvernemental) signifie : contre 
  le gouvernement.
Enfin, et surtout, il faut de la longévité : une collaboration d’un an, deux ans ne sert à rien et ne doit pas être mise en place. Il faut plusieurs années, trois - six – neuf, comme les baux par exemple. Chacun doit s’y retrouver. La confiance s’acquiert avec le temps, en parlant de ce qui fonctionne et de ce qui pose problème.
La capacité d’ouverture de chaque acteur, dès le départ et dans la durée, est LA condition d’un partenariat fructueux et utile entre ONG et entreprise.