Gérard SAUNIER
Délégué permanent auprès de
l’Union Européenne de l’Agence
De l’Environnement et de la Maîtrise de
l’Energie.
« Développement durable », ce titre est quelque peu prétentieux
en regard de l’exposé que je vais présenter. En effet, celui-ci
se limite à présenter le programme d’action d’un acteur
du développement durable: l’ADEME (Agence pour l’Environnement
et la Maîtrise de l’Energie) et d’analyser quelques unes des
activités de cette agence en regard du thème qui nous réunit
aujourd’hui : « Le Partenariat Entreprises-ONG pour un développement
durable : de la théorie à la réalité
L’ADEME est au niveau français, un des éléments clés
de la « Stratégie pour le Développement Durable »
qui, à l’instant où je vous parle, fait l’objet d’une
réunion du Comité Interministériel installé le 14
janvier dernier pour piloter cette stratégie et lui donner une impulsion
décisive. C’est un établissement public français
à caractère industriel et commercial qui, sous la tutelle des
ministres, chargés de la recherche, de l’écologie et de
l’énergie, dispose d’une large capacité d’intervention
aux plans local, national et international et s’appuie sur un vaste réseau
de partenaires en France et dans le monde.
L’effectif de l’agence est d’environ 850 collaborateurs, dont
la moitié d’ingénieurs, répartis sur trois centres
à Paris, Angers et Sophia Antipolis, 22 délégations régionales
sur le territoire métropolitain, 4 délégations et 3 représentations
dans les départements et territoires d’outre-mer et un bureau à
Bruxelles dont j’ai la responsabilité.
L’ADEME n’est pas une entreprise au sens classique du terme. C’est
une agence d’objectifs dont les actions s’inscrivent dans une logique
de résultats définis dans un contrat de plan Etat-ADEME structuré
autour de trois priorités :
- développer une économie du déchet à haute qualité
environnementale,
- engager un effort durable de maîtrise de l’énergie et favoriser
le développement et l’utilisation des énergies renouvelables,
- améliorer les performances des transports et réduire les pollutions
de l’air.
Les actions développées et mises en œuvre le long de ces
axes, sur la base d’un budget d’intervention annuel de l’ordre
de 340 millions d’euros, s’insèrent dans la lutte contre
le changement climatique et contribuent au respect des engagements de la France
dans le cadre du Protocole de Kyoto. La plus grande partie de ce budget est
consacrée au financement de projets initiés et gérés
par six directions sectorielles : Agriculture et Bioénergies, Air et
Transports, Action Régionale, Bâtiment et Energies Renouvelables,
Déchets Municipaux, Industrie aux profit principalement d’entreprises
et collectivités locales françaises.
En réponse aux exigences du développement durable qui, par essence,
dépassent largement le cadre national et répondent à des
enjeux européens et internationaux, la direction de l’Action Internationale,
en accord avec les tutelles de l’agence et en s’appuyant sur les
compétences des directions techniques et les délégations
régionales, structure son activité autour de cinq axes prioritaires
:
- Contributions à la construction européenne et au suivi des politiques
communautaires : assistance à la représentation française
dans les différents comités de programme en particulier ceux pilotés
par les DG TREN et Environnement de la Commission, soutien aux opérateurs
français, membre fondateur et présidence en 2003 du Club EnR,
- Soutien à la prise en compte du développement durable dans la
politique internationale : Participation et valorisation des jumelages institutionnels
avec la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la République
Tchèque, élaboration des positions françaises dans les
négociations internationales : suites à donner au sommet de Johannesburg
sur le volet énergie et à la mise en œuvre du protocole de
Kyoto,
- Renforcement du savoir faire scientifique et technologique : l’agence
est point de contact ECOTECH du 6ème PCR et participe au développement
des capacités dans les PED par la formation et la recherche (AIT à
Bangkok, Universités de Tsinghua et Harbin, de New Delhi)
- Diffusion des technologies applicables pour le développement durable
: animation du club ADEME International, mise place du plan export pour les
éco-entreprises (PEXE)
- Intégration des problématiques énergétiques et
environnementales dans l’aide au développement
Les activités de l’ADEME sont réalisées en beaucoup
plus grand nombre en partenariat avec des entreprises, des bureaux d’études
français et des entités gouvernementales à l’étranger
qu’avec des ONG françaises (comme la FONDEM ou le GERES) ou internationales
comme l’AIT (Asian Institute of technology).
Ce déséquilibre résulte de plusieurs facteurs.
L’un est la priorité que l’ADEME doit donner à la
diffusion des technologies applicables pour le développement durable
au titre de laquelle l’agence participe à la mise en place d’un
plan export pour les éco-entreprises (PEXE) qui privilégie le
support aux PME-PMI et aux bureaux d’études qui peuvent difficilement
assumer les coûts inhérents à la promotion de leur compétence
et de leurs produits en ASIE ou en Amérique Latine. A ce titre, par exemple,
je participerai la semaine prochaine à l’organisation d’un
groupe de travail sur la recherche auprès de la Commission européenne
de soutien au profit de l’exportation des éco-technologies en direction
des PED.
Un autre facteur est le caractère d’agence officielle gouvernementale
qui est celui de l’ADEME. Celui-ci lui facilite indéniablement
les contacts avec des entités gouvernementales à l’étranger
d’où une incitation forte à développer des projets
avec celles-ci plutôt qu’avec des ONG implantées localement.
Par exemple, dans le but de faciliter le transfert de technologies développées
en Europe et plus particulièrement en France, l’ADEME a suscité
la création d’une association (MEDENER) qui regroupe un certain
nombre d’agences de pays du sud de la Méditerranée. Un des
gros projets cofinancés par la Commission Européenne au cours
des trois dernières années dans le cadre de MEDA est un projet
présenté par MEDENER pour la promotion de la garantie de résultat
solaire qui a pour objectif de crédibiliser l’utilisation des chauffe-eau
solaires thermiques et faciliter leur diffusion à grande échelle.
Autre exemple de coopération institutionnelle est celui que l’ADEME
a développé avec la Chine (pays où les ONG sont virtuellement
absentes) pour l’amélioration de l’efficacité énergétique
des bâtiments. L’ADEME, dans le cadre d’un cofinancement assuré
par la Banque Mondiale à hauteur de 3M€, a assisté les chinois
pour l’amélioration des performances énergétiques
de 650000 M² de logements ce qui aura un impact sur le développement
durable non négligeable.Une économie annuelle de 23000 tonnes
de charbon et 35000 de CO2 évitées.
En dépit des freins que représentent les deux éléments que je viens d’évoquer, l’ADEME réalise aussi des projets en partenariat avec des ONG lorsque les conditions locales s’y prêtent.
Par exemple, depuis vingt-cinq ans l’ADEME entretient une coopération suivie avec une ONG internationale de haut niveau, l’AIT, à Bangkok, où sont formés des étudiants au niveau Master et PhD en provenance de tous les pays d’ASIE dans des filières qui sont toutes dédiées au développement durable des pays d’Asie. Je peux témoigner pour avoir eu la responsabilité de créer et diriger pendant cinq ans, de 1979 à 1984, la Division de « Génie Energétique » dédiée à la promotion de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, l’AIT est un exemple extraordinaire de partenariat réussi et durable entre une ONG internationale de formation de haut niveau et une pléiade d’agences de coopération et d’entreprises au profit du développement durable.
L’ADEME suscite et cofinance des partenariats fructueux dans les zones
rurales de plusieurs PED entre des ONG françaises, des associations locales
et des entreprises françaises, comme par exemple les projets suivants
:
- Electrification photovoltaïque(PV) de villages au Bénin, Burkina
Faso, Mali-Partenariat : ADEME-EDF-TOTAL-FINA ELF
- Electrification rurale -GECO- en Côte d’Ivoire et Cameroun - Partenariat
ADEME-APAVE-EDF
- SSD(Sociétés de service décentralisée –
PV)) à Bahia (Brésil) - Partenariat EDF-TOTAL-FINA ELF
- Standardisation des techniques et équipements utilisés pour
l’électrification rurale au Cambodge - Partenariat FONDEM-APAVE
Sud-D2 FINANCE-ADEME-EDF
En résumé, par ce bref survol de l’Action Internationale de l’ADEME dans le champ du développement durable des PED, j’ai tenté de montrer que pour une agence gouvernementale de ce type, il y a des contraintes objectives pour passer de « la théorie à la réalité » dans le montage et l’animation de projets de coopération en partenariat avec des ONG. En revanche, lorsque les conditions locales le permettent, l’ADEME n’hésite pas à susciter l’émergence et à cofinancer de tels partenariats afin de tirer partie des connaissances approfondies du terrain et des barrières sociales locales envers certaines technologies qui sont l’apanage des ONG compétentes.
Je vous remercie de votre attention.
Rao CHELIKANI.- Avez-vous la possibilité de développer
la charte de l’environnement que le gouvernement est en train d’élaborer
?
Gérard SAUNIER.- Pour le moment, le gouvernement français s’emploie à finaliser le texte de cette charte spécifiquement pour la France*. Bien que je n’aie pas mandat pour m’avancer sur ce terrain, je ne pense pas qu’il y aurait d’objections à aider des pays ou des organismes internationaux qui en feraient la demande, à développer des chartes similaires
*Nb :Depuis lors, le projet de Charte a été finalisé et
adopté en Conseil des Ministres le 25 juin 2003. Il est particulièrement
interressant de noter que l’article 1 précise que le premier alinéa
du préambule de la Constitution sera modifié et fera spécifiquement
référence à la Charte sous la forme suivante : «
Le peuple français proclame solennellement son attachement aux droit
de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils
ont été définis dans la déclaration de 1789, confirmés
et complétés par le préambule de la constitution de 1946,
ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la charte de l’environnement
de 2003 .
Cette référence confère à la Charte valeur constitutionnelle.
Ce projet sera débattu au parlement à l’automne 2003. Il
peut être consulté à l’adresse suivante : www.charte.environnement.gouv.fr
Rao CHELIKANI - Au niveau de l’harmonisation de la réglementation internationale, nous avons plaidé auprès des autorités intergouvernementales comme la Banque Mondiale pour que, quand elles travaillent avec un gouvernement elles associent les ONG du pays pour réaliser une coopération triangulaire et assurer ainsi une pérennité, quel que soit le gouvernement, le régime, le sort du budget. Il y a quand même sur le terrain les ONG qui continuent et servent de relais. Dans cet esprit, l’ ADEME pourrait- elle impliquer aussi les ONG dans ses engagements?
Gérard SAUNIER - Une action trop volontariste de la part de l’ADEME peut poser problème avec les instances gouvernementales locales. En effet, quand nous allons dans un pays étranger, nous arrivons avec une casquette d’organisme gouvernemental français ; il nous est difficile de prendre l’initiative de descendre sur le terrain et de rechercher des ONG susceptibles de collaborer avec nous, sans s’assurer de l’aval préalable du gouvernement local. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas susciter l’idée auprès des officiels. Mais c’est quand même de la responsabilité des autorités locales de donner leur aval à des partenariats de ce type.